Introduction `a la th´eorie de Galois
Aide m´emoire
Table des mati`eres
0.1 Outils essentiels et principales clefs de raisonnement . . . . . . . 1
1 Extensions de corps 1
1.1 Z/nZ est un anneau int`egre si et seulement si n est premier . . . 2
1.2 Le corps des fractions. Sa propri´et´e universelle . . . . . . . . . . 3
1.3 La caract´eristique d’un corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4 Extensions alg´ebriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.5 Constructions impossibles `a la r`egle et au compas . . . . . . . . . 10
2 Renversement de point de vue 11
2.1 Consid´erations `a propos des polynˆomes . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2 L’anneau des restes. Sa propri´et´e universelle . . . . . . . . . . . . 12
2.3 Clˆoture alg´ebrique de E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
3 Th´eorie de Galois 18
3.1 Le discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
0.1 Outils essentiels et principales clefs de raisonnement
Dans le chapitre 2, on emploiera les deux propri´et´es suivantes qu’ont les po-
lynˆomes. La division euclidienne et la relation de ezout. Pour la division eucli-
dienne, on jouera sur le fait que deg Reste < deg du polynˆome qui divise. Dans
le chapitre 3, comprendre pourquoi si une racine se trouve dans L, alors toutes
les autres aussi.
1 Extensions de corps
On commence par remarquer que si 1 = 0 dans un anneau quelconque, qu’alors
cet anneau ne contient qu’un ´el´ement.
Preuve : Si 1=0, alors a, b dans l’anneau, ab = a(b+0) = a(b+1) = ab+a
a = 0 (pour b = 0).
D´efinition 1 Un homomorphisme d’anneaux entre deux anneaux A et B
est une application f : A B v´erifiant
- f(a + b) = f(a) + f(b),
- f(ab) = f(a)f(b),
1
- f est d´efinie sur 0 et 1.
La cons´equence est que f(0) = 0 et f(1) = 1.
D´efinition 2 Un id´eal est une partie I d’un anneau A qui est un sous-groupe
additif de A et qui v´erifie
- 0 I,
- a, b I a + b I,
- a A et b I ab I.
Par exemple, f
1
(0) est un id´eal.
Affirmation 1 Un homomorphisme d’anneau f est injectif si et seulement si
f
1
(0) = {0}.
Preuve : : f (x) = f (y) = 0 f(x) = f(y) = f(y)
inject.
= x = y.
En refaisant le mˆeme raisonnement `a partir de f(x) = f (y) = 0, on obtient
aussi que x = y. Cette condition n’est remplie que dans le cas o`u x = y = 0.
Donc ker f = 0.
: f(x) = f(y) f (x y) = 0
hyp.
= x = y.
De mani`ere en´erale, c’est le cas pour un homomorphisme (de groupes, d’al-
g`ebres, d’anneaux). Le noyau `a consid´erer est alors l’´el´ement neutre de ce
groupe. D’ailleurs, mˆeme si f n’est pas injectif, son noyau doit ˆetre un sous-
anneau de son anneau de d´efinition. Voir Alg`ebre et G´eom´etrie I.
1.1 Z/nZ est un anneau int`egre si et seulement si n est premier
D´efinition 3 Un anneau A est dit int`egre si a, b A {0}, ab 6= 0.
On montre comme illustration que Z/nZ est un anneau, et qu’il est int`egre si
et seulement si n est un nombre premier.
Preuve : i) On montre que n N, Z/nZ est un anneau. On montre
1
d’abord
que Z/nZ est un groupe additif pour l’addition modulo n. Associativit´e de
l’addition : (a b) c = a (b c) car ((a + b)mod n + c)mod n = (a + (b +
c)mod n)mod n. L’´el´ement neutre de l’addition est [0] Z/nZ, o`u 0 est le 0 de
l’addition habituelle dans Z; d’autre part, m Z, [m] 6= [0], l’´el´ement inverse
existe.
On montre ensuite que la multiplication modulo n est distributive :
a (b c) = a b a c , car
2
1
Le probl`eme est qu’on ne trouve pas de r`egles de calcul en´erales pour les additions et
multiplications modulo, et il faut se convaincre de ces r`egles par induction `a partir d’exemples
concrets.
2
Comment montrer autrement que Z/nZ est bien un anneau ? Il faut montrer que la re-
lation d’´equivalence ‘modulo n est une relation de congruence; dans ce cas, la multiplication
poss`ede toutes les propri´et´es souhait´ees. Pour ce faire, il faut se rappeler que Z/nZ est le
2
a(b + c)mod n
mod n = (ab + ac)mod n =
(ab)mod n + (ac)mod n
mod n.
Finalement, la multiplication est clairement associative.
ii) On montre que Z/nZ est int`egre si et seulement si n est premier.
: On suppose que n = ab non premier. Puisque [0] = [n], on a [a][b] = [0]
avec [a] 6= [0] et [b] 6= [0]. Donc Z/nZ n’est pas int`egre.
: n est premier. C’est le plus petit entier positif m tel que [m] = [0]. Si
Z/nZ n’est pas int`egre, il existe [a] et [b] diff´erents de [0] avec [a][b] = [ab] = [0].
Donc nk = ab pour un k N, puisque les repr´esentants de la classe [0] sont des
multiples de n. Par le fait que n est premier, soit a soit b est un multiple de n.
Donc soit [a] = [0], soit [b] = [0]. Contradiction.
1.2 Le corps des fractions. Sa propri´et´e universelle
Affirmation 2 Pour tout anneau int`egre A, on peut construire un corps K
contenant (un sous-anneau isomorphe `a) A tel que tout ´el´ement de K soit le
quotient de deux ´el´ements de A. C’est le corps des fractions de A.
L’avantage de la construction du corps des fractions est qu’on peut exprimer
l’´egalit´e de deux ´el´ements de ce corps seulement avec des ´el´ements de A : On
d´efinit ce corps des fractions en identifiant deux ´el´ements (a, b) et (c, d) de
A × A {0} si et seulement si ad = bc. Le corps des fractions de A est ainsi
A × A {0} quotiene par la relation (a, b) (c, d) ad = bc.
Nous voulons nous assurer que le corps des fractions de A est bien le plus petit
corps contenant (un sous-anneau isomorphe `a) A. En effet :
Soit W la r´eunion de l’anneau A et de l’ensemble des inverses pour la multipli-
cation des ´el´ements de A {0}. a A {0}, on a ainsi que a
1
=: 1/a W .
On v´erifie que pour tout corps,
1
a
+
1
b
=
a+b
ab
. Mais dans un corps quel qu’il soit,
on identifie ab
1
= cd
1
, pour a, b, c, d A s’il existe x A avec
cd
1
= axb
1
x
1
()
c = ax
c
1
= x
1
b
1
bc = ad,
en ´eliminant le param`etre x.
Remarque 1 L’´etape consistant `a introduire le facteur amplifiant x puis `a
l’´eliminer est inutile et l’implication () de gauche `a droite est injustifi´ee.
Le fait est que l’on conclut directement sans l’artifice du x : cd
1
= ab
1
c = ab
1
d. On remarque qu’il est impossible d’inf´erer que cb = ad si l’anneau
A n’est pas commutatif.
En particulier, tout corps contenant l’anneau A comme sous-anneau contient
´egalement le corps des fractions de A.
groupe additif Z quotiene par une relation de congruence si et seulement si on peut exprimer
Z/nZ sous la forme Z/N, o`u N est un sous-groupe normal de Z. Or il est ´evident que N = nZ
est un tel sous-groupe normal. Nul n’est ainsi besoin de erifier toutes les propri´et´es de cette
multiplication ‘modulo n’.
D’ailleurs, on peut employer un tel raisonnement pour prouver les r`egles de calcul des
op´erations ‘modulo’ (r´eponse `a la pr´ec´edente note de bas de page).
3
Si A n’est pas int`egre, cette construction ne donne plus un corps. En effet : si
ab = 0 pour a, b 6= 0, et si a
1
est un inverse de a, alors a
1
+ b est aussi un
inverse de a, ce qui nie l’unicit´e de l’inverse.
Pour montrer que l’anneau int`egre Z/nZ est un corps si et seulement si n est
premier, on peut construire le corps des fractions K de Z/nZ, puis montrer que
Z/nZ
=
K.
Il faut montrer que toute classe [(a,b)] admet un repr´esentant de la forme (x, 1),
i.e. que x tel que a=bx.
Preuve : b 6= 0, l’application x 7→ bx est un homomorphisme de groupe ad-
ditif. Or son noyau est {x; bx = 0} = {0}, puisque A est int`egre. Donc x 7→ bx
est injective. C’est-`a-dire que l’ensemble image d’une ligne (ou bien colonne) du
tableau de multiplication de Z/p avec p premier contient autant d’´el´ements que
cette ligne. De l`a, l’application x 7→ bx, b 6= 0 ne peut ˆetre qu’une permutation
des ´el´ements de cette ligne (ou bien colonne).
Remarquons que pour le montrer, nous avons emploe le fait que Z/p est un
anneau int`egre.
Ci-contre, le tableau de multiplication de Z/4Z : La
pr´esence du 0 prend une case dans une ligne (et colonne),
et empˆeche ainsi que y Z/4Z, x avec y = 2x. La
pr´esence de 0 dans un tableau condamne ainsi d’office
tout candidat `a ˆetre un corps.
Le corps des fractions poss`ede une propri´et´e impor-
tante, qui exprime le fait que tout corps contenant (un sous-anneau isomorphe
`a) A contient aussi n´ecessairement (un sous-anneau isomorphe `a) K, qui est
l’extension de (ce sous-anneau isomorphe `a) A :
Affirmation 3 (propri´et´e universelle) Soient A un anneau int`egre et K
son corps des fractions. Soit E un corps. Pour tout homomorphisme injectif
f : A E, il existe un unique homomorphisme f : K E tel que f(a) = f(a)
pour a A.
Preuve : Soit i : A K; i(a) = (a, 1), avec K le corps
des fractions de A muni de l’addition et de la multiplication donn´ees par :
(a, b) + (c, d) = (ad + bc, bd) et (a, b) · (c, d) = (ac, bd).
Il ne suffit pas de montrer que f = f i
1
est un homomorphisme bien sˆur
unique.
C’est bien le cas, puisque f est la composition de deux homomorphismes. i
1
est en
effet un homomorphisme, puisque i est un homomorphisme injectif.
a
a
On pose f(x) =: v, f(y) =: w. Alors f
1
(v w) = f
1
(f(x) f(y)) =
f
1
(f(x y)) = x y = f
1
(v) f
1
(w). L’op´erateur symbolise autant
l’addition que la multiplication.
De mani`ere g´en´erale et pour tout homomorphisme injectif f, on remarque que
4
si a/b = c/d, ad = bc, et f(a)f(d) = f (b)f (c). L’injectivit´e de f assure que
f(b) 6= 0 pour b 6= 0, et on peut efinir f(a)/f(b), ainsi que f(a/b) := f(a)/f(b).
Donc f (A × A {0}) est un corps.
Si en outre f : A E, o`u E est un corps, alors f(A) E est un anneau
int`egre, et le corps E “contient” le corps des fractions de l’anneau f(A). On a
E f(A) × (f (A) {0}) = f (A × A {0}) .
Reste `a voir que f : A E est un homomorphisme. Pour l’addition :
f
a
b
+
c
d
= f
ad + bc
bc
= f(ad+bc)/f(bd) = [f (a)f (d) + f(b)f(c)] /f(b)f(c)
= f(a)/f(b) + f (b)/f (c) = f
a
b
+ f
c
d
.
Pour la multiplication, c’est clair. Puisqu’ enfin f(a/b) = (f(a), f(b)), f est le
seul homomorphisme K E tel que f i(a) = f(a) pour a A.
Remarquons que transmettre la structure d’anneau suffit `a transmettre celle
de corps. En particulier, nul n’est besoin d’homomorphismes diff´erents des ho-
momorphismes d’anneaux pour transmettre les structures de corps. Une seule
notion d’homomorphisme suffit.
Et si E est d´ej`a le corps des fractions de A ? Est-ce que le corps des fractions
de E est diff´erent de E ?
1.3 La caract´eristique d’un corps
Affirmation 4 Soit A un anneau. Il existe un unique homomorphisme d’an-
neaux f : Z A.
C’est l’homomorphisme donn´e par f(0) = 0 et f (n + 1) = f (n) + 1. Cet homo-
morphisme peut ˆetre injectif ou non. Si A est un corps : Dans le premier cas,
on dit que A est de caract´eristique 0 et dans le second, il existe un m N
qu’on appelle la caract´eristique du corps A tel que A
=
Z/mZ.
On s’int´eresse en effet au cas de non injectivit´e : a 6= b Z avec f(a) = f(b).
i) Est-ce que la fonction +1 dans un anneau peut elle ˆetre telle que pour un M ,
M = M + 1 ? Dans ce cas, M 1 = M, etc. et l’anneau ne contient qu’un seul
´el´ement. On le voit de deux mani`eres : soit parce que les ´el´ements M et M + 1
sont identifi´es, soit parce que 1 = 0, auquel cas on a montr´e que l’anneau ne
contient qu’un seul ´el´ement (cf. d´ebut). L’hypoth`ese d’une r´eponse affirmative
`a la question i) est donc fausse.
On fait la supposition g´en´erale suivante : ii) M, p A
3
tels que M = M + p.
On a alors M + 1 = M + 1 + p etc. ainsi que M 1 = M 1 + p etc. et en
particulier M p = M apr`es avoir appliqu´e `a chaque membre de l’´egalit´e de ii)
la fonction 1’ compos´ee p fois. On voit que les ´el´ements de la forme M + kp,
avec k Z, sont identifi´es, et Z/pZ est inclus dans A.
Si p est premier, Z/pZ est un anneau int`egre, et on peut prolonger l’homo-
morphisme f : Z A `a son corps des fractions. Le prolongement est
f : Q A,
3
en fait, M et f (p), p N, o`u f est l’homomorphisme (uniquement d´etermin´e) Z A
5
par la propri´et´e universelle. Mais ce prolongement ne devrait pas ajouter de
nouvel ´el´ement, puisque le corps des fractions de l’anneau int`egre Z/pZ est
isomorphe `a celui-ci.
Affirmation 5 Soit p un nombre premier et soit A un anneau tel que p ·1 = 0,
o`u 1 est l’´el´ement neutre de la multiplication dans A. Alors pour tous a et b
dans A, on a
(a + b)
p
= a
p
+ b
p
.
En effet, chaque
p
i
est multiple de p lorsque ce dernier est premier.
p
i
=
p · (p 1) ···(p i + 1)
i · (i 1) ···2 · 1
,
et puisque p est premier, aucun des i, (i 1), ··· 2, 1 ne le divise.
D´efinition 4 Si K est un corps de caract´eristique p, l’homomorphisme K
K, x 7→ x
p
est appel´e l’homomorphisme de Frobenius.
1.4 Extensions alg´ebriques
D´efinition 5 Une extension de corps est un homomorphisme de corps.
On remarque qu’une extension de corps est toujours injective.
Soit l’extension j : E F ,
4
Pour toute extension, F est naturellement muni
d’une structure d’espace vectoriel : La loi d’addition est celle de F et la multi-
plication externe est E × F F est efinie par e · f := j(e)f .
D´efinition 6 Une extension est dite finie si elle fait de F un E-espace vecto-
riel de dimension finie.
D´efinition 7 Soit j : E F une extension de corps. Un ´el´ement x F est dit
alg´ebrique sur E s’il existe un polynˆome non nul P E[X] tel que P(x) = 0.
Il est dit transcendant sinon.
Un nombre complexe est dit alg´ebrique ou transcendant s’il l’est sur le corps
des rationnels. Par exemple,
2 est alg´ebrique, mais
P
n=0
10
n!
est transcen-
dant (Liouville, 1844). L’ensemble des polynˆomes `a coefficients rationnels est
d´enombrable, si bien que l’ensemble des nombres complexes alg´ebriques est
d´enombrable. Ce qui prouve l’existence des nombres transcendants (Cantor,
1874).
Soit j : E F une extension de corps et soit x un ´el´ement de F . L’application
ϕ
x
: E[X] F qui `a un polynˆome a
0
+ ··· + a
n
X
n
associe l’´el´ement
ϕ
x
(P (x)) = j(a
0
) + j(a
1
)x + ··· + j(a
n
)x
n
est `a la fois un homomorphisme de E-espaces vectoriels et un homomorphisme
d’anneaux. Son image est ainsi non seulement un sous-espace vectoriel de F mais
4
Souvent, l’extension en question est l’inclusion E F .
6
aussi un sous-anneau de F , sous-anneau qu’on note E[x]
5
, avec le x minuscule
entre parenth`eses carr´ees. C’est le sous-anneau de F engendr´e par x sur E.
Lorsqu’il n’y a pas de confusion possible, on note P (x) ce qu’on devrait noter
par ϕ
x
(P (x)).
Plus g´en´eralement, si x
1
, ··· , x
n
sont des ´el´ements de F , on note E[x
1
, ··· , x
n
]
le sous-anneau de F engendr´e par les x
1
, ··· , x
n
sur E. C’est l’ensemble des
P (x
1
, ··· , x
n
) F pour P parcourant E[X
1
, ···X
n
].
Remarque 2 Si on veut ajouter `a un anneau A un ´el´ement x et le minimum
d’autres ´el´ements n´ecessaires `a ce que cet ensemble “´etendu” soit un anneau, il
faut ajouter `a A l’´el´ement x ainsi que tous les P (x) avec P parcourant A[X].
Vu comme ceci, E[x] = A “´etendu” est bien ur un anneau.
Mais `a quoi bon consid´erer une extension de corps ? Le fait de demander que
A et x soient dans un eme corps F assure qu’on puisse multiplier x avec les
´el´ements de A, vu que x est en en´eral ext´erieur `a A.
Affirmation 6 Soit j : E F une extension de corps et soit x F .
a Si x est transcendant sur E, ϕ
x
: E[X] E[x] est un isomorphisme et
E[x] est un E-espace vectoriel de dimension infinie.
b Si x est alg´ebrique sur E, il existe un unique polynˆome unitaire de degr´e
minimal P E[X] tel que P (x) = 0. P est alors irr´eductible et dim
E
E[x] =
deg P . De plus, tout polynˆome Q E[X] tel que Q(x) = 0 est multiple de
P .
Pour montrer a), il suffit de montrer que ϕ
x
: E[X] E[x] est injective. On
suppose que x est transcendant et que ϕ
x
n’est pas injective. Alors p, q E[X]
avec ϕ
x
(p(X)) = ϕ
x
(q(X)) ϕ
x
((p q)(X)) = 0, car ϕ
x
est un homomor-
phisme. Le polynˆome p q est alors un candidat `a ˆetre un polynˆome minimal,
dont l’existence est ainsi assur´ee (Si c’est l’unique candidat, c’est le polynˆome
minimal recherch´e).
Si x est transcendant, ϕ
x
est donc un isomorphisme. E[X]
=
E[x]. En particu-
lier, dim
E
E[x] = .
Pour montrer b) : x est alg´ebrique. Donc il y a un P E[X] avec P (x) = 0
6
,
et Q E[X], Q(x) = reste(x), car
Q(x) = L(x) ·
=0
z
}|{
P (x) +reste(x) = reste(x).
5
´
Ecriture analogue `a E[X], E[x] repr´esente l’ensemble des polynˆomes en x `a coefficients
dans E. Au contraire du X, le x est ici une valeur connue, et non pas une inconnue formelle. On
remarque enfin que l’´ecriture E[x, y] est aussi analogue `a E[X, Y ], en repr´esentant l’ensemble
des polynˆomes en x si l’on fixe y, et en y si l’on fixe x. Il est `a noter que ces polynˆomes
en x (respectivement en y) ne sont plus alors `a coefficients dans E, mais dans l’ensemble
{E · y
i
; i N} (respectivement dans {E · x
i
; i N}). Mais il reste `a erifier cette analogie
entre E[X, Y ] et E[x, y]. On a en effet efini E[x, y] comme le plus petit anneau contenant `a
la fois E[x] et y, i.e. comme l’ensemble des polynˆomes en y `a coefficients dans E[x], ensemble
not´e E[x][y]. Il faut donc montrer que E[x][y] = E[x, y].
6
En fait on devrait ´ecrire comme au point a) : non pas P (x) = 0 mais ϕ
x
(P (X)) = 0.
7
En particulier, si P tel que P (x) = 0, alors ϕ
x
n’est pas injective.
Il n’existe aucun autre polynˆome unitaire A de mˆeme degr´e que le polynˆome
minimal P et qui s’annule aussi en x, sans quoi P A s’annulerait aussi en x
et serait de degr´e plus petit que celui de P , ce qui contredirait le choix du P
minimal. Tout autre polynˆome (donc de degr´e strictement sup´erieur `a celui de
P ) s’annulant aussi en x est multiple de ce polynˆome minimal. Pour le voir, on
suppose un autre A avec A(x) = 0, et on le divise par P . Il ne peut y avoir de
reste.
On peut se poser la question suivante : Comment savoir si une extension est
finie ? Comment savoir en effet si j : E F fait de F un E-espace vectoriel
de dimension finie ? Si l’extension est alg´ebrique (efin. plus loin), on sait que
chaque E[x] est un E-espace vectoriel de dimension finie dim
E
E[x] = deg P ,
o`u P E[X] est le polynˆome minimal de x F . Comment en d´eduire (et
qu’est-ce que) la dimension du E-espace F ? Chaque E[x] est un sous-espace
de F , et F =
S
xL
E[x]. Sa dimension est max
xL
{dim
E
E[x]}. On voit qu’il
est possible que l’extension, bien qu’alg´ebrique, soit infinie.
Un probl`eme est d’avoir un crit`ere pour savoir si une extension n’est pas alg´ebrique.
On a vu que la finitude de l’extension n’est pas un crit`ere.
D´efinition 8 On appelle ce polynˆome le polynˆome minimal de x sur E.
Ses autres racines sont appel´ees les conjugu´es de x. Son degr´e est appel´e le
degr´e de x sur E.
Voici un corollaire simple de l’affirmation pr´ec´edente :
Affirmation 7 Toute extension finie de corps est alg´ebrique.
Soit en effet une extension finie de corps E F . Puisque c’est une extension
finie, F est un E-espace vectoriel de dimension finie D. Puisque x F , E[x]
est un sous-espace vectoriel de F , x F , dim
E
E[x] < D, et tout x F est
alg´ebrique sur E.
Une telle extension est appel´ee alg´ebrique.
Affirmation 8 Les sous-anneaux E[X + Y ] et E[XY ] sont tous deux conte-
nus dans E[X, Y ]. Si E[X] et E[Y ] sont de dimensions finies, alors E[X, Y ]
´egalement, puisque cet anneau est engendr´e par les x
i
y
j
, avec 0 i < dim E[X]
et 0 j < dim E[Y ].
Si E[x] et E[y] sont de dimensions finies comme espaces sur E, alors E[x, y]
aussi (voir note de bas de page pr´ec´edente). En effet, E[x, y] est l’ensemble des
P (x, y) := a
0,0
+ a
1,0
x + a
0,1
y + a
1,1
xy + ··· + a
n,n
x
n
y
n
,
pour tout n N. On voit que E[x, y] est engendr´e par x
i
y
j
, pour 0 i, j < .
Or pour x
i
y
j
avec i > dim
E
E[x], on a que x
i
y
j
= y
j
·
L(x)·P (x)+Reste(x)
=
y
j
·Reste(x). En raisonnant de la mˆeme mani`ere pour y, on comprend que seuls
les x
i
y
j
avec 0 i < dim
E
E[x], et 0 j < dim
E
E[y] suffisent `a engendrer
E[x, y].
8
Affirmation 9 Soit j : E F une extension de corps. Soient x et y deux
´el´ements de F alg´ebriques sur E. Alors x + y et xy sont alg´ebriques sur E. Si
x 6= 0, 1/x est alg´ebrique sur E et appartient eme `a E[x].
Cette derni`ere affirmation assure que si x est alg´ebrique, i.e. s’il existe un P
avec P (x) = 0, E[x] est un corps. Ind´ependamment d’ailleurs du fait que P est
irr´eductible ou non, la notion d’irr´eductibilit´e n’ayant rien `a faire ici.
Pour l’inverse : Trouver un polynˆome Q E[X] tel que Q(1/x) = 0. Soit P tel
que P (x) = a
n
x
n
+ ··· + a
0
= 0. On divise chaque membre de cette derni`ere
´egalit´e par (1/x)
n
. On obtient a
n
+ a
n1
(1/x) + ··· + a
0
(1/x)
n
= 0/x
n
= 0.
Puis on rend ce polynˆome en 1/x unitaire.
On montre que 1/x E[x] : Soit P le polynˆome minimal de x,
P (x) = a
n
x
n
+ ··· + a
0
= 0
a
n
a
0
x
n
+ ···
a
1
a
0
x = 1
a
n
a
0
x
n1
+ ···
a
1
a
0
= 1/x
Un corollaire en est que :
Affirmation 10 L’ensemble des ´el´ements de F qui sont alg´ebriques sur E est
un sous-corps de F .
D´efinition 9 Si j : E F est une extension de corps, son degr´e est la dimen-
sion de F comme E-espace vectoriel. On note ce degr´e par [F : E].
Remarquons que cette notation est abusive, puisqu’elle ne fait pas intervenir
j alors qu’elle en epend ! Par exemple, si E = C(X), F = C(Y ), l’extension
j
1
: E F efinie par P (X) P (Y ) est de degr´e 1 (c’est un isomorphisme),
alors que j
2
: E F efinie par P (X) = P (Y
2
) est de degr´e 2. Toutefois,
lorsque E est un sous-corps de F , il n’y a pas de risque de confusion.
Affirmation 11 Soient j : E F et k : F G deux extensions de corps.
Alors (k j) : E G est aussi une extension de corps, et cette extension est
finie si et seulement si les deux extension j et k sont finies. On a la relation
[F : E][G : F ] = [G : E].
Nous montrons maintenant la “transitivit´e” du caract`ere alg´ebrique.
Affirmation 12 Soient j : E F et k : F G deux extensions de corps. Si
un ´el´ement x G est alg´ebrique sur F et si F est alg´ebrique sur E, alors x est
alg´ebrique sur E.
En particulier, si j et k sont deux extensions alg´ebriques, la compos´ee E G
est une extension alg´ebrique.
9
1.5 Constructions impossibles `a la r`egle et au compas
Si E[x] est un corps, on le note E(x).
Affirmation 13 (crit`ere d’Eisenstein) Soit un polynˆome a
n
X
n
+a
n1
X
n1
+
··· + a
0
. S’il existe un nombre premier p qui divise tous les coeff. du polynˆome
sauf a
n
et si p
2
ne divise pas a
0
, alors le polynˆome est irr´eductible.
La projection canonique p : Z Z/p est un homomorphisme. Alors a
n
X
n
+
a
n1
X
n1
+···a
0
7→ p(a
n
)X
n
+p(a
n1
)X
n1
+···p(a
0
) est un homomorphisme.
Soit P un polynˆome dont tous les coeff. sauf a
n
sont multiples de p est φ(a
n
)X
n
.
Si P = Q · R n’est pas irr´eductible, on doit avoir que φ(P ) = φ(Q) · φ(R). Or
puisque tous les coeff. φ(a
i
) = 0 sauf φ(a
n
), on a φ(P ) = φ(a
n
)X
n
. De l`a,
φ(Q) = φ(b
µ
)X
µ
et φ(R) = φ(r
ρ
)X
ρ
. En calculant Q · R = (
P
µ
ı=0
b
i
X
i
) ·
(
P
ρ
=0
r
j
X
j
) =
PP
···, on voit que a
0
= b
0
r
0
. Puisque b
0
et r
0
se laissent
diviser par p, on conclut que si b
2
- a
0
, P doit ˆetre irr´eductible.
On a la factorisation X
p
1 = (X 1)(X
p1
+X
p2
+···X +1). Mais seulement
si p est premier, T := X
p1
+X
p2
+···X + 1 est irr´eductible. Pour le montrer,
on ne peut pas directement appliquer le crit`ere d’Eisenstein `a T . On a recours
`a une astuce : on applique d’abord sur T l’automorphisme Z[X] Z[X];
X 7→ X +1. Puis avec Eisenstein : q est alors un premier satisfaisant au crit`ere.
Affirmation 14 Soit K L une extension de corps. Si a L K mais
a
2
K, alors K[a] = {ϕ
a
(P )
|
{z }
i.e.P (a)
; P E[X]} est engendr´e par {1, a}, i.e. K[a] =
K · 1 + K · a. L’extension K[a]/K est donc de degr´e [K[a] : K] = 2.
R´eciproquement, toute extension de L/K de degr´e 2 est de la forme K[a] avec
a L K et a
2
K.
Soit a L K quelconque. a
2
est combili : a
2
= b
1
+ b
2
a, avec b
1
, b
2
K. En
compl´etant le carr´e, (a b
2
/2)
2
= b
2
2
/4 + b
1
. De l`a, K[
p
b
2
2
/4 + b
1
] = K[a
b
2
/2] = K[a]. On a K[a] L, et mˆeme K[a] = L parce que les degr´es de ces
corps sont les emes, 2.
D´efinition 10 Un point P du plan est dit constructible `a la r`egle et au compas
s’il existe une suite de points P
0
, P
1
, ···P
m
(on pose OBdA P
0
:= (0, 0) et P
1
:=
(1, 0)) telle que P
m
= P et telle que chacun des points est soit a) l’intersection
de deux droites, soit b) d’une droite et d’un cercle, soit encore c) de deux cercles
d´etermin´es par les points pr´ec´edents (un cercle est d´etermin´e par la donn´ee du
centre et d’un de ses points, une droite par deux points).
L
m
:= Q(x
1
, y
1
, x
2
, y
2
, ··· , x
m
, y
m
) est un sous-corps de R. L’extension L
m
/Q
(i.e. Q L
m
) est l’extension associ´ee `a la construction de P
m
. Elle a la pro-
pri´et´e suivante.
Affirmation 15 [L
i
: L
i1
] 2.
On distingue les trois cas : dans le cas a), (x
i
, y
i
) est la solution d’un syst`eme
lin´eaire de deux ´equations `a deux inconnues dont les coeff. sont dans Q. Alors
x
i
, y
i
Q. Dans le cas b), le point P
i
= (x
i
, y
i
) est solution du syst`eme
k(x, y) Ck
2
= kS Ck
2
, et < n, (x, y) >=< n, p >,
10
o`u C est le centre du cercle et S l’un des points par lequel il passe. Et p est
le point par lequel la droite passe, dont le vecteur normal au vecteur directeur
est n. On r´esout la derni`ere ´equation par rapport `a x (ou `a y) et on voit que
y est solution d’une ´equation quadratique `a coeff. dans Q. Le cas c) se ram`ene
au b).
Affirmation 16 (Wantzel) Soit P = (x, y) un point du plan constructible.
Alors [Q(x) : Q] et [Q(y) : Q] sont des puissances de 2, et x, y sont alg´ebriques,
puisque les degr´es de ces extensions sont alors finis.
Polygones r´eguliers : Comme vu ci-dessus, pour p premier, la p-i`eme racine de
l’unit´e ζ
p
a T = X
p1
+ X
p2
+ ···X + 1 comme polynˆome minimal. Comme
[Q(ζ
p
) : Q] =degr´e de ce poynˆome, il suit que p doit ˆetre ´egal `a 2
k
+ 1 tout en
´etant premier. Les premiers de cette forme sont les nombres de Fermat 2
2
j
+1 =
3, 5, 17, ···. Seulement si p est l’un de ces nombres et est premier, le polygone
r´egulier `a p ot´es est constructible.
2 Renversement de point de vue
Dans la section pr´ec´edente, on s’est donn´e un nombre x et une extension de corps
E F . Puis on a r´efl´echi au fait qu’il existe ou non un polynˆome P E[X]
tel que x en est une racine, ceci en consid´erant l’anneau E[x].
Dans cette section, on renverse le point de vue : on se donne un polynˆome
P E[X] et on veut cr´eer un corps tel qu’il contienne une racine de P.
2.1 Consid´erations `a propos des polynˆomes
Un polynˆome est irr´eductible sur E si et seulement s’il n’a pas de racine dans
E. Si un polynˆome P E[X] a une racine α dans E, il peut s’´ecrire comme
P = (X α)Q. En effet, selon Euclide, P = (X α)Q + R, avec deg R <
deg(X α). De l`a, R doit ˆetre une constante, mais qui doit ˆetre nulle.
Soit un anneau A. La somme (pas forc´ement directe) de deux id´eaux I
1
et I
2
de A est un id´eal
7
.
Affirmation 17 Si A est un anneau de polynˆomes, alors tout id´eal se laisse
engendrer par un unique polynˆome. On note (P ) := P A l’id´eal engendr´e par P .
Preuve : Soit p(X) un ´el´ement de l’id´eal I dont le degr´e est le plus petit mais
non nul. Tout autre ´el´ement q(X) de I s’´ecrit q(X) = p(X)l(X) + r(X)
r(X) = q(X) p(X)l(X) I. De l`a, le degr´e de r(X) est plus petit que celui
de p(X), et doit par hypoth`ese ˆetre nul. Mais r(X) ne peut ˆetre que le scalaire
0, sans quoi l’id´eal est trivial (Si e 6= 0, e E, avec e I, alors e · A I.).
L’id´eal I engendr´e par Q
1
et Q
2
est de la forme I = Q
1
A + Q
2
A = (P ) = P A.
Donc il existe U et V tels que Q
1
U + Q
2
V = P . On montre que P est le plus
7
I
1
+I
2
est un sous-groupe additif de A. De plus, I
1
+I
2
est un id´eal : a A et b I
1
+I
2
,
b se laisse ´ecrire comme b = b
1
+b
2
, avec b
1
I
1
et b
2
I
2
. De l`a, ab = ab
1
+ab
2
ab I
1
+I
2
.
11
grand diviseur commun de Q
1
et de Q
2
: On montre d’abord que P divise Q
1
et Q
2
, puis que tout autre diviseur B divisant `a la fois Q
1
et Q
2
doit diviser P.
Mais Q
i
I = P · A. Donc il existe L
i
A avec Q
i
= P L
i
.
Si Q
1
et Q
2
sont premiers entre eux (i.e. ne se laissent diviser que par les
polynˆomes constants), alors il existe U et V tels que Q
1
U + Q
2
V = 1, ce qui
est la relation de ezout.
Affirmation 18 (lemme de Gauss) Soit un polynˆome P = A B. Si D est
un polynˆome irr´eductible qui divise P , alors D divise A ou B (ou les deux).
Se prouve avec B´ezout.
Affirmation 19 Les affirmations suivantes sont ´equivalentes :
1. L’anneau E[X]/(P ) est un corps.
2. L’anneau E[X]/(P ) est int`egre.
3. Le polynˆome P est irr´eductible.
On montre l’implication 3)1) avec la relation de ezout.
2)3) : [0] = [P ] = [QL] = [Q][L], o`u oBdA et par l’inegrit´e, [Q] = [0] =
[P ], i.e. Q P (P ) = P · E[X]. De l`a, soit Q P = 0, soit Q P
{q(X)P (X); q(X) E[X]}. C’est dire que Q P et par suite aussi P est
multiple de P . Ce qui contredit le fait que deg Q < deg P .
2.2 L’anneau des restes. Sa propri´et´e universelle
On consid`ere le E-espace vectoriel des polynˆomes dans E[X], de degr´es quel-
conques. On le quotiente par la relation ‘modulo P :
Q
1
Q
2
: Q
1
= L
1
P + R et Q
2
= L
2
P + R,
o`u le reste R est le mˆeme. On appelle cet espace quotient l’espace E[X]/(P ). On
v´erifie trivialement qu’il s’agit bien d’une relation d’´equivalence. On munit enfin
cet anneau de la multiplication modulo P, donn´ee par Q
1
Q
2
= (Q
1
Q
2
)mod P .
On se rend compte que cette multiplication fait de notre espace quotient un
anneau. La relation d’´equivalence est une relation de congruence
8
, et on peut
en outre bien efinir [Q
1
][Q
2
] := [Q
1
Q
2
]. En particulier, cette multiplication ne
d´epend pas des repr´esentants.
On d´enote par Q(x), avec x minuscule, la classe repr´esenee par Q(X). On a par
construction que P (x) = 0; autrement dit, l’anneau des restes de n’importe quel
8
Grˆace `a la th´eorie des groupes, on sait que tout groupe-quotient est de la forme G/N, o`u
N est un sous-groupe normal du groupe quotient´e G. Et il en va de eme pour les alg`ebres-
quotient. Toutes peuvent ˆetre exprim´ees sous la forme A/I, o`u I est un id´eal bilat`ere de
l’alg`ebre quotient´ee A (`a montrer). On devrait alors ˆetre en mesure d’exprimer la relation de
congruence ‘modulo P sous la forme suivante :
Q
1
Q
2
Q
1
Q
2
I.
On v´erifie facilement que I = {L[X]P [X]; L E[X]}. Ceci implique que la multiplication de
classes est bien efinie.
12
polynˆome P fournit toujours une racine `a ce P .
9
Le th´eor`eme suivant montre
que c’´etait mˆeme la “meilleure” mani`ere de le faire.
Affirmation 20 (propri´et´e universelle) Soit une extension de corps j : E
B et un polynˆome irr´eductible P E[X]. On suppose que P a une racine y
dans B. D’autre part, on construit l’anneau des restes (qui est mˆeme un corps)
E[X]/(P ), et on consid`ere l’extension k : E E[X]/(P ). P a ´egalement une
racine, x, dans E[X]/(P ). Notons que B peut avoir plusieurs racines de P ,
mais que E[X]/(P ) n’a que x.
Il y a alors un homomorphisme uniquement etermin´e i : E[X]/(P ) B tel
que i k = j et i(x) = y.
E E[X]/(P )
B
k
j i
La condition j = i k signifie que j(E) et k(E) sont isomorphes. En effet,
i : k(E) j(E) est surjectif, et i est un homomorphisme injectif.
On montre l’existence d’un homomorphisme i d´efini sur tout E[X]/(P ) tout
simplement en le construisant tout en v´erifiant que la construction est bien
d´efinie. Montrer que l’homomorphisme i existe est donc tr`es simple, et plus
difficile est de comprendre pourquoi on demande d’avoir cette propri´et´e univer-
selle.
Premi`erement, on efinit que i([X]) := y, pour y une racine de P dans B. Puis
on efinit que i([k(e)]) := j(e) e E. On peut faire cette efinition puisque
si e 6= e
0
E, [k(e)] 6= [k(e
0
)], puisque chaque classe de E[X]/(P ) ne contient
qu’un ´el´ement e de E, les ´el´ements de la classe [e] ´etant de la forme e+P ·E[X].
Enfin, on n’a pas eme `a d´ecider que notre i est un homomorphisme.
10
Dans le cas de i, on a, de fait, `a faire avec un homomorphisme, parce que
les classes s’additionnent et se multiplient ej`a, car E[X]/(P ) est un anneau.
Pour a, b E[X]/(P ), i(a + b) est donc bien efini. Et i(a) + i(b) est aussi
d´efini, puisque l’addition de deux ´el´ements dans B est efinie. Il n’y a donc pas
de marge de manoeuvre et donc, rien `a efinir. On a que :
i([P [X]]) = i([k(a
n
)X
n
+ ··· + k(a
1
)X + k(a
0
)]) =
i([k(a
n
)X
n
]) + ··· + i([k(a
1
)X]) + i([k(a
0
)]) =
9
On peut se poser la question de savoir ce qu’est eellement cette racine x. Pour y r´epondre,
il faut remarquer que la multiplication de classes ne concerne pas seulement les multiplications
entre (classes de) polynˆomes, mais aussi est la multiplication avec laquelle les polynˆomes sont
construits. En effet, un polynˆome dans E[X]/(P ) est de la forme a
n
x · · · x
|
{z }
n fois
+ · · ·+a
1
x+a
0
.
On comprend qu’ainsi, x = [X], i.e. la classe du polynˆome X.
10
De mani`ere en´erale, on peut le ecider pour toute fonction que l’on construit, tant qu’elle
reste bien efinie. Par exemple pour la fonction f : x 7→ x
2
, on ne peut bien sˆur pas efinir que
f(x + y) = f (x) + f(y). Cette id´ee qu’on peut ecider qu’une fonction a ou non une propri´et´e
est un important retournement de point de vue.
13
i([k(a
n
)])i([X
n
]) + ··· + i([k(a
1
)])i([X]) + i([k(a
0
)]) =
j(a
n
)y
n
+ ··· + j(a
1
)y + j(a
0
)
On se rappelle (cf. p.6) que E[x] est efini comme l’ensemble image de l’homo-
morphisme ϕ
x
: E[X] E[x], et epend donc de l’extension j : E B.
On peut d´efinir l’homomorphisme i sur E[X]/(P ) :
i(Q(x)) := ϕ
y
(Q).
Dans la suite, on pr´ef´erera noter ϕ
y
(Q) par Q(y), en ne perdant jamais de vue
qu’alors, Q est `a coefficients dans j(E).
Il y a donc autant d’homomorphismes i possibles qu’il y a de racines y de P
dans B.
Remarque 3 Cette propri´et´e universelle reste valable si P E[X] n’est pas
irr´eductible, i.e. si E E[X]/(P ) n’est pas une extension de corps mais de
simples anneaux. Dans ce cas cependant, E[X]/(P ) et i(E[X]/(P )) ne sont
plus forc´ement isomorphes (i
1
n’est plus forement un homomorphisme.).
Remarquons enfin que si P n’est pas irr´eductible (dans E), il n’a pas pour autant
forc´ement une racine dans E. Que l’on songe `a P (X) = (X
2
2)(X
2
5). Ce
polynˆome est eductible dans Q mais sans y avoir de racine.
D´efinition 11 Un homomorphisme de corps i comme ci-dessus, en particulier
satisfaisant `a la condition j = i k, s’appelle un homomorphisme d’ex-
tensions.
Il est important de faire la remarque suivante : E[X]/(P ) = E[x], si x = [X] est
la racine de P dans E[X]/(P ), et E[x] = {Q(x); Q E[X]} est le plus petit
anneau contenant x et E. En effet,
E[x] = E[[X]] = {Q([X]); Q E[X]} = {
h
Q(X)
i
; Q E[X]} = E[X]/(P ).
On peut faire le raisonnement suivant, sans l’aide de la propri´et´e universelle.
Soit P un polynˆome irr´eductible dans le corps E. On proc`ede `a une premi`ere
extension E
i
1
E[X]/(P ) =: E
1
, et on aimerait ´etendre E
1
`a un nouveau
corps qui contiendrait une racine suppl´ementaire de P , le corps E
1
ne contenant
qu’une seule racine, `a savoir x = [X]. Pour ce faire, on cr´ee l’anneau des restes
de P (Y )/(Y x) =: Q(Y ) E
1
[Y ]. On note que Q est irr´eductible dans E
1
puisque x est l’unique racine de P dans E. Il suit que l’anneau des restes
E
1
/(Q) est un corps, qu’on notera E
2
. Ce corps E
2
contient une nouvelle racine
de P (Y ) = (Y x) Q(Y ), `a savoir y = [Y ], qui est l’unique racine de Q dans
E
2
. Ce processus r´ep´etitif se sch´ematise :
E
i
1
E
1
:= E[X]/(P ) = E[x]
i
2
E
2
:= E
1
[X]/(Q) = E[x, y] ···
ou bien, en abr´eg´e : E
i
1
E[x]
i
2
E[x, y]
i
3
E[x, y, z] ···
On peut ep´eter le proed´e aussi longtemps que le polynˆome Q est de degr´e
14
sup´erieur `a 0. Si Q est de degr´e 1 (i.e. de la forme X α), on a E[X]/(Q)
=
E
i.e. le processus de partitionnement, de gain de nouveaux ´el´ements, cesse
(Normalement, il y a davantage de classes que d’´el´ements de E.). On montre
ce point en v´erifiant que l’union des classes repr´esenees par un ´el´ement de E
´egale E[X]. Or cette union de classes est
[
eE
[e] = {e + (X α) · E[X]; e E} = E + (X α) · E[X] = E[X],
ce qu’on ne manque pas de comprendre en voyant que
1 = 1 + (X α) · 0
X = α + (X α) · 1
X
2
= 0 + (X α) · X + αX
= 0 + (X α) · X + α(α + (X α) · 1)
.
.
.
X
i+1
= (X α) · X
i
+ αX
i
Dans les corps construits artificiellement, par la m´ethode d´ecrite ci-dessus,
il y a au plus autant de racines de P que le degr´e de P . Mais qu’en est-il dans
un corps B non artificiel (pr´eexistant, en quelque sorte) ?
Le fait que l’on puisse ´ecrire P (X) = Q(X)(X α), pour α une racine de P ,
assure qu’aucun corps (ni naturel ni artificiellement construit) ne poss`ede plus
de racines de P que son degr´e. En effet : si P (X) = (X α
1
) ···(X α
n
) devait
avoir une autre racine β, on devrait pouvoir ´ecrire P (X) = (X α
1
) ···(X
α
n
)(X β). Mais le membre de gauche n’aurait pas le mˆeme degr´e que celui
de droite. Contradiction.
A quoi sert la propri´et´e universelle ? Elle assure que par la ethode artificielle,
on puisse construire le “plus petit” des anneaux contenant un nombre choisi de
racines de P (entre 1 et le degr´e de P ) ceci dans le sens o`u cet anneau artificiel
se laisse injecter, inclure dans tout anneau contenant le mˆeme nombre de racines
de P .
Mais pour exprimer que notre anneau artificiel est bien “le plus petit”, il aurait
suffit d’exiger qu’il existe une injection E[X]/(P ) B. Pourquoi demande-t-on
en plus que cette injection soit un homomorphisme avec i(x) = y et j = i k ?
D’autant plus que dans le cas o`u P n’est pas irr´eductible, E[X]/(P ) n’est pas
un corps et i n’est plus forc´ement une injection.
En demandant ceci, on a une information concernant les sous-corps de B. On
sait qu’il y a au moins autant de sous-corps dans B que de fois qu’on peut
quotienter un sous-corps de B par un polynˆome irr´eductible dans ce sous-corps.
Mais que dire si P a une racine double dans B ?
Prenons l’exemple o`u E = Q et B = R, et consid´erons P (X) = X
2
2.
15
Q Q[X]/(P )
R
k
j i
On peut quotienter une premi`ere fois le sous-corps Q de R, parce que X
2
2 est
irr´eductible dans Q. On obtient une racine. On sait par la propri´et´e universelle
que Q[
2] est un sous-corps de R. Mais P en tant que polynˆome `a coefficients
dans Q[
2] n’est plus irr´eductible : P (X) = (X
2)(X +
2).
Remarque 4 Tout polynˆome P de degr´e 2 fournit en mˆeme temps 2 racines.
Ceci est `a comprendre comme suit : E[X]/(P ) est un corps qui ne contient
qu’une unique racine, α, de P c’est la propri´et´e universelle qui d’ailleurs
nous assure, en exigeant que i soit un homomorphisme, qu’il en est de eme
pour le sous-corps i(E[X]/(P )) B. Or on a P (X) = (X α)(X β), ce qui
implique β E[X]/(P ). Contradiction.
2.3 Clˆoture alg´ebrique de E
D´efinition 12 On dit qu’un corps E est alg´ebriquement clos si tout po-
lynˆome non constant de E[X]a une racine dans E. Par r´ecurrence sur le degr´e,
il revient au mˆeme de demander que tout polynˆome soit scind´e dans E.
On a vu par la construction ci-dessus qu’un corps est alg´ebriquement clos si
et seulement s’il n’a aucune extension non triviale, i.e. si toutes ses extensions
sont triviales. Autrement dit, si j : E L est une extension alg´ebrique, alors
j est un isomorphisme. Un sens est clair : pour x L, soit P son polynˆome
minimal. Comme P est scind´e, il existe des ´el´ements de x
1
, ··· , x
n
de E tels
que P (X) = (X x
1
) ···(X x
n
). Puisque P (x) = 0, x est l’un des j(x
i
). j
est ainsi surjectif
11
, et est un isomorphisme (car j il est ej`a injectif en tant
qu’extension de corps).
Dans l’autre sens : Soit un polynˆome irr´eductible Q E[X]. Si E n’a pas
d’extension non triviale, alors en particulier l’extension E[X]/(Q) ne peut avoir
qu’un ´el´ement par classe, faute de quoi l’extension E E[X]/(Q) ne serait pas
triviale. De l`a, Q doit ˆetre un polynˆome constant.
On peut montrer qu’un corps alg´ebriquement clos est infini.
D´efinition 13 Une clˆoture alg´ebrique d’un corps E est une extension alg´ebrique
j : E , o`u est alg´ebriquement clos.
Quelle est la diff´erence entre une extension alg´ebrique et une clˆoture alg´ebrique ?
Si j : E L est une extension alg´ebrique, tout x L est racine d’un polynˆome,
si j est une clˆoture alg´ebrique, tout polynˆome a une racine dans L.
Remarquons qu’en g´en´eral, pour un corps E et un de ses corps alg´ebriquement
11
Pourquoi ?
16
clos (deux corps alg´ebriquement clos d’un eme corps sont isomorphes (Stei-
nitz, 1910)), l’extension j : E n’est pas forc´ement alg´ebrique. j est telle
que tout polynˆome de E[X] poss`ede une racine dans Ω. L’affirmation r´eciproque
ne tient pas forc´ement : tout x n’est pas forc´ement la racine d’un polynˆome
de E[X], auquel cas l’extension j est alg´ebrique.
Soit un corps E. Si chaque polynˆome irr´eductible P
λ
de E[X] poss`ede une
12
racine dans un corps Ω, alors ce corps est un corps alg´ebriquement clos de E. Et
r´eciproquement. Notons que l’ensemble des indices Λ 3 λ n’est pas forc´ement
d´enombrable. Si est clos alg´ebriquement, pour tout P
λ
, il existe x
λ
tel
que P
λ
(x
λ
) = 0. Si j’arrive `a montrer que x Ω, P
λ
irr´eductible et tel que x
en est une racine, alors j’aurai montr´e que toute clˆoture d’un corps E doit ˆetre
une extension alg´ebrique, et qu’il n’est pas possible que cette extension ne soit
pas alg´ebrique. On peut ainsi supposer (par l’absurde) l’existence d’un x
qui n’est pas la racine d’un polynˆome irr´eductible de E[X].
12
et donc, par ecurrence, toutes les racines, au nombre du degr´e de P
λ
17
3 Th´eorie de Galois
On dit qu’une extension j : K L est monog`ene si L = K[x] pour un x L.
Affirmation 21 Soit une extension de corps k : E L et soit une clˆoture
alg´ebrique de E j : E . Alors il existe au plus [L : E] homomor-
phismes d’extensions i : L . De tels homomorphismes s’appellent des
E-homomorphismes.
E L
k
j i
On a vu d´ej`a le cas o`u L = E[x] est une extension monog`ene (affirmation 20).
Dans ce cas, il est facile de voir que le nombre des E-homomorphismes est ´egal
au nombre de racines de P dans Ω. Ce nombre est major´e par deg P (et y est
´egal si toutes les racines sont simples). Or deg P = [L : E] si L = E[x] (et
P le polynˆome minimal de x L). On peut s’en rendre compte en ´ecrivant
E[x] = E[X]/(P ), et on voit que dim
E
E[x] = deg P .
Il est bon de remarquer enfin que pour majorer ainsi le nombre de ces E-
homomorphismes par [L : E], on n’emploie pas l’homomorphisme j : E
(du scema de l’affirmation 20). On n’emploie que le fait que l’image d’une
racine de P dans L doit ˆetre une racine de P dans Ω.
Preuve : Par ecurrence, on montre que ceci est ´egalement valable pour une
extension alg´ebrique j : E L quelconque, tant que celle-ci est de dimension
finie. Dans ce cas en effet, il existe un nombre fini d’´el´ements x
1
, ··· , x
n
L
tels que L = E[x
1
, ··· , x
n
]
13
. On pose L
n
:= E[x
1
, ··· , x
n
]. Par ecurrence, il y
a au plus [L
n1
: E] E-homomorphismes i : L
n1
Ω. Puisque l’extension j :
L
n1
L
n
est monog`ene, on sait qu’il y a au plus [L
n
: L
n1
] homomorphismes
d’extensions
13
Montrer l’implication suivante :
j : E L est une extension finie L est de la forme L = E[x
1
, · · · , x
n
] pour x
1
, · · · , x
n
un nombre fini d’´el´ements de L.
Si cette implication est correcte, alors on a trouv´e un crit`ere pour dire si une extension est finie
ou non, ce qu’on cherchait au chapitre pr´ec´edent. Mais en ´ecrivant E[x] comme E[X]/(P ), on
s’en rend compte :
Soit une suite infinie (x
i
) telle que i, E[x
1
, · · · , x
i
] L, et soit la suite des polynˆomes
minimaux (P
i
) associ´es aux (x
i
). Ces polynˆomes sont tous au moins de degr´e 2. On a
deg E[x
1
, · · · , x
i
] 2
i
, car le degr´e de chaque extension monog`ene
E[x
1
, · · · , x
k1
] E[x
1
, · · · , x
k
] est deg P
k
2.
De l`a, l’extension E E[x
1
, · · · , x
i
] est de degr´e
[E[x
1
] : E] · [E[x
1
, x
2
] : E[x
1
]] · · · [E[x
1
, · · · x
i
] : E[x
1
, · · · x
i1
]]].
On voit que si la suite (x
i
) est infinie, que l’extension E L est infinie.
18
Il y a donc au plus
[L : L
n1
] · [L
n1
: E] = [L : E]
E-homomorphismes L Ω. Il suffit de
regarder la figure ci-contre. Pour chacun
des au plus [L
n1
: E] E-homomorphis-
mes d’extensions L
n1
Ω, on peut faire
le raisonnement de l’affirmation 20 (puis-
que l’extension L
n1
L est monog`ene),
et voir qu’il y a au plus [L : L
n1
] extensions L Ω. On multiplie donc ces
deux nombres.
Remarquons que le fait que est une clˆoture de K mais pas forc´ement des L
n
n’importe pas ici. Seul importe le fait que contient toutes les racines de P .
D´efinition 14 Un corps K est dit parfait (ou normal) s’il y a une clˆoture
alg´ebrique (si pour toute clˆoture, puisque deux clˆotures sont isomorphes)
K telle que tout polynˆome irr´eductible de K[X] poss`ede autant de racines
diff´erentes que son degr´e. Autrement dit, si toutes ses racines sont simples.
Un polynˆome est dit eparable si toutes ses racines sont simples.
Ainsi, quasiment par efinition, si K est un corps parfait, et K L une
extension monog`ene, le nombre de K-homomorphismes (distincts) de L dans
une extension alg´ebrique close de K est exactement ´egal `a [L : K]. Et par
analogie `a l’une des affirmations pr´ec´edentes, il en va de eme pour tout L
alg´ebrique avec dim
K
L < .
Affirmation 22 Un polynˆome P est s´eparable si et seulement si P et sa d´eriv´ee
P
0
sont premiers entre eux. Les racines communes de P et de P
0
sont en effet
uniquement les racines multiples : On pose A(X) := (X α). Alors α est une
racine multiple de P si et seulement si P = A
2
B. En erivant,
P
0
= 2AA
0
B + A
2
B
0
= A(2A
0
+ AB).
Affirmation 23 Toute extension finie d’un corps parfait est un corps parfait.
Affirmation 24 Les corps de caract´eristique nulle ainsi que les corps de ca-
ract´eristique p dont l’homomorphisme de Frobenius est bijectif sont des corps
parfaits. Tout corps fini est donc parfait.
D´efinition 15 Soit une extension de corps j : E L.
On appelle E-automorphisme de L un isomorphisme σ : L L tel que sa
restriction sur j(E) est l’identit´e.
L’ensemble de ces automorphismes se note Aut(L/E). C’est un groupe.
On se rappelle qu’un homomorphisme de L dans L est un endomorphisme; si
en plus il est un isomorphisme, alors on parle d’automorphisme de L.
Affirmation 25 Il y a au plus [L:E] E-automorphismes de L dans le groupe
Aut(L/E).
19
On s’en rend compte (cf. dessin ci-dessus) en se donnant un E- homomorphisme
i : L Ω. On vient de montrer que les homomorphismes i σ : L sont au
plus au nombre de [L : E] (d’autant plus que i n’est pas forc´ement unique).
Remarque 5 Tout automorphisme de L est forc´ement l’identit´e sur E. Tout
σ Aut (L) est en effet de la forme i
1
0
i, et tout i : L est l’identit´e sur
E. Ce dernier point est clair si L est monog`ene : La propri´et´e universelle veut
que (avec les notations habituelles) pour tout i : L , i k = j. Si L est une
extension finie, le point est aussi acquis.
OBdA L se laisse ´ecrire comme L = E[x
1
, x
2
]. Alors...
D´efinition 16 Une extension finie K L est dite galoisienne si Aut(L/K)
est de cardinal [L : K]. Le groupe Aut (L/K) est appel´e groupe de Galois de
l’extension est est not´e Gal (L/K).
Affirmation 26 Si K est parfait et l’extension K L est finie (i.e. L =
K[x
1
, ···x
n
]), alors les propositions suivantes sont ´equivalentes :
1. L’extension K L est galoisienne.
2. Tout K-homomorphisme de L dans une cloture alg´ebrique de K a pour
image L.
3. Tout polynˆome irr´eductible de K[X] qui a une racine dans L est scind´e
dans L.
4. Il existe un polynˆome P K[X] scind´e `a racines simples dans L et dont
K L est une extension de ecomposition.
On ne montre que l’essentiel, i.e. 2)3) : Soit x
1
la racine de P dans i
0
(L) et
soit K[x
1
] L. Il existe exactement deg P K-homomorphismes i : K[x
1
] Ω.
Or ces K-homomorphismes se laissent ´etendre `a des K-homomorphismes i :
L = K[x
1
, ···x
n
] Ω. Mais comme tous ces K-homomorphismes ´etendus sont
`a image dans i
0
(L) et que les autres racines de P sont chacune image de x
1
par
un de ces K-homomorphismes, toutes les racines sont dans i
0
(L).
D´efinition 17 Soit G un ensemble d’automorphismes de L (i.e. d’isomor-
phismes de L dans L).
On d´efinit L
G
:= {x L; σ(x) = x σ G} la partie de L sur laquelle tous les
automorphismes de G sont l’identit´e.
On remarque que L
G
L est bien une inclusion. C’est bien sˆur aussi une
extension (On voit ci-dessous que L
G
est toujours un corps.).
Affirmation 27 Si K E L o`u K L est une extension finie ga-
loisienne, l’extension E L est aussi galoisienne, avec Gal (L/E) = {σ
Gal (L/K); σx = x x E}.
En effet, il existe un polynˆome de K[X] s´eparable scind´e dans L et ce polynˆome
est ´egalement un polynˆome de E[X], et ainsi E L est aussi galoisienne.
On verra dans la suite le cas de l’extension K E.
20
On aurait pu aborder l’approche des groupes de Galois par un exemple;
on a pr´ef´er´e l’approche th´eorique. Il s’agit donc de montrer l’existence de tels
groupes de Galois, i.e. d’en construire. Mais on ne sait eme pas si, pour une
extension E L, il existe des E-automorphismes de L. C’est pourquoi on
pr´ef`ere ne pas d’abord se donner le corps E puis seulement apr`es chercher de
tels E-automorphismes, mais faire le contraire : on se donne un ensemble de
simples automorphismes, puis on consid`ere le corps E pour lequel ils seraient
tous des E-automorphismes. Le th´eor`eme suivant veut construire une paire
“corps, son groupe de Galois”
Affirmation 28 (lemme d’Artin) Soit L un corps et G un ensemble fini
d’automorphismes de L. Alors L
G
est un sous-corps de L. Si en plus G est un
groupe, alors, L
G
est un sous-corps de L tel que [L : L
G
] = card G. Donc,
l’extension L
G
L est galoisienne de groupe G.
En particulier, le lemme d’Artin montre l’existence d’une injection de l’ensemble
des sous-groupes de Gal (L/K) vers l’ensemble des sous-corps de L.
Affirmation 29 (Th´eor`eme fondamental de la th´eorie de Galois) Soit
une extension finie galoisienne K L. Il existe une bijection (d´ecroissante)
entre l’ensemble des sous-groupes de Gal (L/K) et celui des sous-corps de L.
Preuve : On montre que (1) H Gal (L/K), on peut associer un unique
sous-corps E de L; puis que (2) pour ce E, on associe un unique
˜
H, et que
˜
H = H. On a ainsi montr´e l’injection dans un sens. Dans l’autre sens, on
montre que (3) E, on peut associer un unique h, et que (4) pour ce h, on
peut associer un unique
˜
E avec
˜
E = E.
Les points (1) et (2) forment le lemme d’Artin. Quant au point (3) : Soit un
corps E avec K E L (On sait que E L est galoisienne.). On d´efinit
h := {σ Gal (L/K); σ(x) = x x E}. On voit que h = Gal (L/E), puisque
par efinition, un ´el´ement de Gal (L/E) est dans h, et un ´el´ement de h est un
automorphisme de E, donc appartient `a Aut (L/E). Or on sait que l’extension
E L est galoisienne; de l`a Aut (L/E) = Gal (L/E). Pour montrer le point
(4), on consid`ere associe `a h le corps L
h
. Mais puisque L
h
contient E et que
L
h
et E ont la mˆeme dimension en tant que K-espace vectoriel, L
h
= E, ce qui
ach`eve la preuve. Il reste `a montrer que les dimensions sont bien les emes :
dim
E
L
h
= [L
h
: K] =
[L : K]
[L : L
h
]
=
card Gal (L/K)
card h
= (Gal (L/K) : h),
et
dim
E
E = [E : K] =
[L : K]
[L : E]
=
card Gal (L/K)
card h
= (Gal (L/K) : h).
Si K E L o`u K L est une extension finie galoisienne, l’extension
E L est aussi galoisienne, mais que dire de K E ? L’affirmation suivante
pr´ecise la situation.
21
Selon le th´eor`eme fondamental, il y a
un unique sous-groupe H de Gal (L/K)
tel que E = L
H
. On veut exprimer Aut (L
H
/K)
avec Gal (L/K).
Soit une extension finie galoisienne K L
et H un sous-groupe de Gal (L/K). Un automorphisme ρ de L
H
est de la forme
ρ = b
1
σ b, o`u σ Gal (L/K) et b : L
H
L (c’est une injection). En
effet, supposons qu’il existe un automorphisme ρ qui ne soit pas de cette forme.
Alors b ρ b
1
est un automorphisme de L, mais qui n’est malheureusement
pas forc´ement l’identit´e sur κ(K), o`u κ est l’extension K L. On s’est donc
tromp´e. On r´eessaye non plus en passant par b, mais par Ω.
Affirmation 30
Soient les extensions κ : K L, j : K Ω, c : L
H
et i : L Ω.
(i) Un K-automorphisme ρ de L
H
est de la forme ρ = c
1
i σ i
1
c, o`u
σ Gal (L/K) est la seule variable, les autres extensions ´etant fix´ees une fois
pour toutes. Supposons par l’absurde qu’il existe un K-automorphisme ρ qui
ne soit pas de cette forme. Alors i
1
c ρ c
1
i est un automorphisme de
L, qui est l’identit´e sur κ(K), donc appartient `a Gal (L/K). On a
σ = i
1
c ρ c
1
i c
1
i σ i
1
c = ρ.
(ii) On peut ainsi dire que les K-automorphismes de L
H
sont les restrictions
des ´el´ements de Gal (L/K) (qui sont des fonctions) `a L
H
.
(iii) Les K-automorphismes de L
H
, i.e. les ´el´ements de Aut (L
H
/K), sont exac-
tement les ´el´ements de Gal (L/K) satisfaisant `a σL
H
= L
H
. Or
σL
H
= {y L; h H, h σ
1
(y) = σ
1
(y)}
= {y L; h H, σ h σ
1
(y) = y} = L
σHσ
1
.
Donc
σL
H
= L
H
σHσ
1
= H.
(iv) Cette derni`ere relation d´efinit un homomorphisme de corps surjectif entre
l’ensemble des σ satisfaisant `a cette condition ensemble qu’on appellera N(H)
et Aut (L
H
/K).
(v) Le noyau de cet homomorphisme est H. Pour que le noyau ne contienne
plus qu’un unique ´el´ement et qu’ainsi l’homomorphisme devienne une injec-
tion (et donc une bijection), il faut quotienter l’ensemble de d´efinition de cet
homomorphisme par H. On a ainsi que Aut (L
H
/K)
=
N(H)/H.
3.1 Le discriminant
On dit qu’un polynˆome P (X
1
, ··· , X
n
) est sym´etrique si pour toute permu-
tation de l’ensemble des indices des variables du polynˆome σ : {1, ··· , n}
{1, ··· , n}, on a que
P (X
1
, ··· , X
n
) = P (X
σ(1)
, ··· , X
σ(n)
).
22
Par la suite, si l’on ´ecrit σ(a
i
), il faut comprendre a
σi
. Cette ´ecriture est mo-
tiv´ee dans le cas o`u les a
i
sont les racines d’un polynˆome P est que σ est un
automorphisme de L, o`u L est une extension de d´ecomposition de P. En effet,
tout automorphisme d’une extension de ecomposition d’un polynˆome inter-
vertit ses racines, et la restriction d’un tel automorphisme sur les racines du
polynˆome est ´egale `a une permutation de ces racines.
Affirmation 31 Pour tout polynˆome sym´etrique P , il existe un polynˆome Q
avec P (X
1
, ··· , X
n
) = Q(S
1
, ··· , S
n
), o`u S
i
est la somme de tous les produits
d’exactement i variables X
j
, j = 1, ···n. ainsi, S
1
= X
1
+ ··· + X
n
et S
n
=
X
1
· ·X
n
.
On se rappelle qu’un polynˆome P (X) est s´eparable (i.e. toutes ses racines sont
simples dans une de ses extensions de d´ecomposition) si et seulement si P (X)
et P
0
(X) sont premiers entre eux.
14
D´efinition 18 Le discriminant d’un polynˆome est un nombre qui doit ˆetre
nul exactement si ce polynˆome n’est pas eparable. Mais on exige en outre que
ce nombre de epende pas d’une permutation des racines du polynˆome.
Un petit lemme tout d’abord :
Affirmation 32
(1)
(
n
2
)
Y
i6=j
(X
i
X
j
) =
Y
i<j
(X
i
X
j
)
2
.
On remarque en effet qu’on peut coupler les parenth`eses du produit de gauche
pour obtenir des paires de la forme (X
i
X
j
), (X
j
X
i
). En multipliant ces
paires, on obtient des facteurs egatifs (X
i
X
j
)
2
. Or il y a
n!
(n2)!
parenth`eses
de la forme (X
i
X
j
), et il n’y en a plus que
n
2
si on les identifie modulo
permutation des indices. Autrement dit, il y a
n
2
couples de la forme (X
i
X
j
), (X
j
X
i
), i.e.
n
2
carr´es n´egatifs (X
i
X
j
)
2
.
Soient x
1
, ···x
n
les racines de P dans une de ses extensions de ecomposition.
On sait (d´ecoule de l’aff. 22) que
Q
n
i=1
P
0
(x
i
) = 0 si et seulement si P n’est pas
s´eparable.
Affirmation 33 Soit P (X) un polynˆome unitaire et eparable.
Alors P (X) = (X x
1
) ···(X x
n
).
14
Ce crit`ere se laisse adapter facilement si P est `a plusieurs variables, en consid´erant que
chacune des eriv´ees partielles soit ˆetre premi`ere avec P .
23
On a
P
0
(X) =
n
X
j=1
P (X)
X x
j
et
P
0
(x
i
) = (x
i
x
1
) ···(x
i
x
i1
)(x
i
x
i+1
) ···(x
i
x
n
)
De l`a,
n
Y
i=1
P
0
(x
i
) =
Y
i6=j
(x
i
x
j
) = (1)
(
n
2
)
Y
i<j
(x
i
x
j
)
2
.
On veut que le discriminant soit un nombre positif. C’est pourquoi on d´efinit
le discriminant d’un polynˆome unitaire s´eparable par
discr P = (1)
(
n
2
)
n
Y
i=1
P
0
(x
i
) =
Y
i<j
(x
i
x
j
)
2
.
On peut se poser la question de savoir si la racine carr´ee du discriminant
se trouve dans K. La racine carr´ee est d :=
Q
i<j
(x
i
x
j
). Or d K si et
seulement si pour tout σ Gal (L/K), σ(d) = d. Un sens est clair, puisque tout
σ est l’identit´e sur K. Il reste `a voir que σ(d) = d d K.
Or σ(d) = ±d. En effet,
σ(d) = σ(
Y
i<j
(x
i
x
j
)) =
Y
i<j
(σ(x
i
) σ(x
j
)) =
Y
i<j
(x
σ(i)
x
σ(j)
).
Or chaque parenth`ese (x
σ(i)
x
σ(j)
) = (x
i
0
x
j
0
) · ε,
o`u i
0
< j
0
et o`u ε =
1 si σ(i) σ(j),
1 sinon.
σ(d)/d est donc ´egal `a (1) puissance le nombre d’inversions de la permutation
{x
1
, ···x
n
} {σ(x
1
), ···σ(x
n
)}. On appelle σ(d)/d la signature de σ dans K.
On en d´eduit que la racine carr´ee du discriminant d appartient `a K si et
seulement si σ(d)/d = 1 pour tout σ Gal (L/K).
Affirmation 34 Soit K un corps de caract´eristique diff´erente de 2 (sinon,
1=-1). Le groupe de Galois d’un polynˆome unitaire s´eparable P est contenu
dans le groupe des permutations paires des racines si et seulement si son dis-
criminant est un carr´e dans K (i.e. une racine carr´ee du discriminant est dans
K).
24